les paysages exceptionnels et classés bientôt sous la menace des promoteurs 2019 par alexande Gady article du figaro 5 avril 2019
dans le suivi de " vive la croissance "
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texte de l'article du Figaro
TRIBUNE - Les autorisations de travaux dans les sites classés ne seront plus, désormais, examinées par le ministre de l’Écologie, mais par le préfet de chaque département. Or les services déconcentrés de l’État sont beaucoup plus exposés aux pressions des appétits fonciers locaux, s’alarme le professeur d’histoire de l’art à la Sorbonne Paris-IV*.
Les calanques, l’île de Bréhat, le canal du Midi, la dune du Pilat, le Mont-Saint-Michel… tout le monde connaît ces lieux magnifiques: ces paysages consubstantiels à notre histoire commune sont le visage de la France. Si leur beauté a été forgée par la nature, parfois aussi par l’homme, elle n’est pas arrivée jusqu’à nous par le hasard. La volonté de protéger ces sites exceptionnels est en effet à l’œuvre depuis 1906, date de la première loi sur les paysages, que porta alors le député Charles Beauquier. En mai 1930 était votée la loi qui en organise depuis lors la sauvegarde: ce texte majeur dispose deux niveaux de protection, sur le modèle de la loi sur les monuments historiques, classé et inscrit, le second étant moins fort. Il a permis en moins d’un siècle le classement de 2700 sites naturels, couvrant à peine 2 % du territoire (1,1 million d’hectares) ; par leur qualité et leur homogénéité, ces sites classés concourent à la beauté de notre pays et à son rayonnement, tout en constituant de précieuses réserves de biodiversité.
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Dans de tels sites, les travaux de construction ou d’aménagement sont logiquement réduits au maximum, afin de les protéger du mitage et garantir leur pérennité et leur transmission aux générations futures. Depuis 1988, dans le cadre plus large de la fin de l’État centralisé, deux tiers des autorisations de travaux dans ces lieux sensibles, lorsqu’il s’agit d’interventions mineures, sont déconcentrés au niveau départemental. Le tiers restant est demeuré au niveau régalien, à la signature du ministre lui-même donc: ces dossiers-là sont gérés par un bureau au ministère de l’Écologie, en liaison avec les inspecteurs des sites, parfois après consultation de la Commission supérieure des sites, dont l’avis n’est d’ailleurs pas contraignant. Seuls 10 % de ces dossiers-là font l’objet d’un refus.
Dans des lieux soumis à de fortes pressions immobilières, en Val de Loire ou sur la Côte d’Azur par exemple, on risque d’assister au bétonnage de sites exceptionnels
Or c’est encore trop pour nos zélés réformateurs: un projet de décret, dévoilé le 12 décembre dernier, prévoit une déconcentration totale des autorisations de travaux en site classé au niveau des services déconcentrés dans chaque département. On peut aisément imaginer le résultat d’un tel décret: dans des lieux soumis à de fortes pressions immobilières, et où des projets sont repoussés avec constance depuis plusieurs années, en Val de Loire ou sur la Côte d’Azur par exemple, on risque d’assister au bétonnage de sites exceptionnels, d’autant plus attractifs qu’ils ont été justement protégés jusqu’ici de toute atteinte. L’hommage du vice à la vertu, en quelque sorte.
Le gouvernement assure qu’il s’agit de simplifier et de moderniser l’action publique, en mettant la décision «au plus près du terrain». L’histoire et l’expérience enseignent en fait de patrimoine et de travaux une autre réalité: face aux pressions des appétits fonciers locaux, la distance est un élément clef de la protection, et l’échelon national, en l’occurrence ministériel, constitue de ce fait un véritable garde-fou. En rapprochant les autorisations de la source, on ne simplifie pas, on crée plutôt une redoutable tentation, tout en réduisant la possibilité de prendre de la hauteur.
Trois verrous
Trois verrous, nous dit-on, sont prévus: le préfet veillera ; la commission départementale des sites sera consultée ; une évocation ministérielle demeurera possible. Certes, mais qui peut croire à ce rêve ailleurs que sur le papier?
Un préfet est le représentant de l’État, mais n’est pas une machine qui applique des textes. Outre le fait que les préfets changent régulièrement de poste, ce qui rend plus difficile la maîtrise du contexte des dossiers, il faut tenir compte de la sensibilité des personnes, enfin de la capacité de résistance du corps préfectoral aux élus locaux, la décentralisation étant passée par là. Est-on sûr de maintenir une politique vraiment nationale et donc une équité entre les citoyens?
Que pensent les acteurs de la protection des paysages et de la nature de ce projet de décret, qu’on annonce déjà pour juin ? Ils y sont tous opposés
Quant aux commissions départementales des sites, leur composition est encore trop peu démocratique, et elles auraient besoin d’être réformées sur le modèle de ce qu’a fait le ministère de la Culture dans la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dite loi CAP) de 2016: on a alors créé un collège d’associations représentatives, alors qu’elles sont actuellement comptées dans celui de «personnalités qualifiées», ce qui n’est pourtant pas pareil. Quant à l’évocation ministérielle, elle est trop aléatoire pour rassurer qui que ce soit. Resteraient alors les recours devant la justice administrative, mais une solution de ce côté est illusoire, puisque ce gouvernement, à la suite du précédent, a encore réduit les moyens d’ester des citoyens.
Que pensent les acteurs de la protection des paysages et de la nature de ce projet de décret, qu’on annonce déjà pour juin? Ils y sont tous opposés, qu’il s’agisse de l’Association des inspecteurs des sites, qui a courageusement pris parti publiquement, du réseau des Grands sites de France, du Comité national de protection de la nature, enfin des experts qualifiés de la Commission supérieure des sites, réunis le 28 mars dernier, dont le signataire de ces lignes. Mais voilà: ce sont des corps intermédiaires raisonnables, que ne meut aucune idéologie, et qui manifestent leur désaccord dans le calme des rapports et des courriers officiels. Ils n’ont donc aucune chance d’être entendus d’un gouvernement qui a fait du dialogue démocratique un champ de ruines,entre performance présidentielle, micro en main, et chaos urbain plus ou moins contrôlé.
Il y a quelques années, un gouvernement avait tenté de supprimer les sites inscrits, prétextant leurs dégradations et leur maintien difficile, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France n’y étant pas contraignant. C’était l’ancien monde: le gouvernement actuel est moins hypocrite, puisqu’il s’attaque à ce qu’il y a de plus beau, les sites classés, en prétendant réformer un système qui fonctionne pourtant parfaitement, de l’avis de tous ses acteurs.
Tout cela porte un nom, trop bien connu: le neolibéralisme. Curieusement, c’est au moment où ce modèle a montré partout ses limites qu’on se décide à l’appliquer en France
En matière de dérégulation de la protection du patrimoine et des paysages français, saluons la constance du gouvernement: après avoir, en 2018, amoindri sérieusement le dispositif de protection du patrimoine et la qualité architecturale avec la regrettable loi Elan, en partie dictée par les lobbys du BTP, il s’en prend désormais aux sites naturels classés. On observe ainsi que le gouvernement poursuit la mise en pièces de la puissance régalienne, ainsi qu’une lente destruction de toute forme de réglementation. Tout cela porte un nom, trop bien connu: le neolibéralisme. Curieusement, c’est au moment où ce modèle a montré partout ses limites qu’on se décide à l’appliquer en France, où il avait toujours été si combattu. Les grands paysages légués par l’histoire, notre bien commun, méritent pourtant mieux qu’une adaptation aux médiocres appétits du moment.
* Spécialiste d’architecture, Alexandre Gady est président de l’association Sites & Monuments. Dernier ouvrage paru: «Le Louvre et les Tuileries. La fabrique d’un chef-d’œuvre» (Éditions du Musée du Louvre-Le Passage, 2015), prix François-Victor Noury de l’Institut.
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et oui ... la dure lois de la croissance ... et oui Macron l'applique ... et oui les abus administratif ... et un bon article qui pousse à la réflexion ...
VM84 Abonné(e)
Il faut espérer que ceux qui s'insurgent aujourd'hui contre le néolibéralisme de Macron qui massacre la France (civilisation, patrimoine, grands paysages, culture ....) n'ont pas voté Macron en 2017 ! Car c'était dans son programme !
07/04/2019 à 12h37
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Totolino Abonné(e)
Tout cela résulte des abus des ABF qui disposent d'un pouvoir discrétionnaire sur tous les travaux mêmes minimes que vous souhaitez engager dans un projet immobilier et si vous avez un moindre mur classé dans les 500m de chez vous!!. Je l'ai vécu pour un changement de volets dans une maison de 1924. C'est kafka au pays de Bisounours... Le bon ABF qui protège l'architecture (sic) contre le mauvais propriétaire qui veut scandaleusement installer des volets roulants comme tous ses voisins... et bien sûr impossible en deux ans d'échanges via mails et courriers de rencontre l'ABF... C'est plus simple par courrier!
06/04/2019 à 08h45
Arnaud Ka Abonné(e)
On peut compter sur nos ronds de cuirs de province pour tout saccager.
06/04/2019 à 08h35
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E-conoclast
Scandaleux. Clairement.
06/04/2019 à 08h22
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Raoul Gronard Abonné(e)
Analyse très intéressante, qui montre combien sont diaboliques la décentralisation et le principe dit "de subsidiarité" (déléguer les actions publiques à ceux qui sont supposément les plus concernés).
C'est ce que les amis chasseurs de M. Macron ne cessent de proclamer : leur droit à "réguler" (exterminer) des espèces, protégées partout ailleurs en Europe, quand elles passent sur LEUR terrain.
Avec M. Macron, les promoteurs de la région Centre pourront allègrement bétonner la Loire, car c'est CHEZ EUX!
05/04/2019 à 17h56
PJD Abonné(e)
S’ils veulent qu’on règle ça nous mêmes comme à Nantes c’est tout vu... on ne peut plus faire confiance au gouvernement pour la défense de notre culture et du bien commun... ça va être génial la Camargue chinoise au moins ils apprécieront le riz...
05/04/2019 à 17h14
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PJD Abonné(e)
Génial la macronie nous aura tout servi... au service de la banque Rothschild et de tous les promoteurs....
05/04/2019 à 17h09
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Ngye Abonné(e)
Heureusement qu'il y a des spécialistes comme Mr Gady!
05/04/2019 à 11h40
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ag20160
Aujourd'hui il n'y a plus que le profit qui compte au détriment de tout le reste... Il est grand temps de réagir si on veut conserver notre patrimoine classé...