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samedi 14 novembre 2015

politiquement incorrect notion anti FN

voila un article intéressant, dans sa présentation intellectuellement parlant .

Je résume ... Dieu n'existant pas, pourquoi continuer a faire du "politiquement correct" qui conforte les idées lepénistes.






l'article de l'obs :


 Pour un "politiquement incorrect" de gauche

 Comment répondre à l'essor de la pensée contestataire de droite, qui a favorisé l'essor du lepénisme? Par Laurent Binet.


L’erreur aura été sans doute de croire à une opposition binaire: d’un côté, l’intellectuel de droite justifie l’ordre établi au service des dominants; de l’autre, l’intellectuel de gauche conteste cet ordre pour un rééquilibrage en faveur des dominés. Le second critique le pouvoir en dévoilant les mécanismes de domination, le premier le défend en essayant de légitimer ces mécanismes.

Première complication soulevée par Foucault: il n’y a pas un pouvoir mais des pouvoirs, éclatés, stratifiés, entrelacés. Seconde complication: Gramsci distingue deux sortes d’intellectuels de droite, l’«organique» qui défend le pouvoir en place et le «traditionnel», nostalgique d’un ordre antérieur.

Il en résulte un jeu à trois qui brouille les cartes au profit de cette dernière catégorie. En effet, le prestige allant naturellement à celui qui conteste, l’intellectuel organique apparaît à peu près aux yeux de tous pour ce qu’il est: ce que Gramsci nomme un «fonctionnaire de la superstructure», c’est-à-dire un collaborateur servile du pouvoir en place oeuvrant au «consentement spontané des masses» (en gros, Jacques Attali ou Alain Minc). Il est donc rapidement disqualifié. Restent, face à face, le progressiste et le réactionnaire.

L’illusion d’équivalence qui fait du réactionnaire, au même titre que le progressiste, un penseur contestataire, provient d’un malentendu: les deux aspirent à des changements dans la société, mais le changement réactionnaire n’en est pas vraiment un puisqu’il s’agit d’un retour.

C’est son premier atout: par définition, le passé est toujours plus concret que le futur. Que ce passé désiré soit en réalité objectivement plus féroce et injuste que le présent n’entre pas en ligne de compte: l’éternelle nostalgie d’un âge d’or mythique nous fait refouler ce léger détail.
Second atout dans la manche du réactionnaire: les victoires passées de la cause progressiste. Parce qu’à un certain point de l’histoire la France a conquis ce qu’on appelle improprement des «acquis sociaux» (alors que ce sont bien des conquêtes), ceux qui les défendent peuvent se faire traiter, par un habile renversement rhétorique, de «conservateurs». Conseil national de la Résistance contre régime de Vichy, après tout, c’est nostalgie contre nostalgie.

Pour briser cette équation fallacieuse, il faut peut-être abandonner l’opposition passé-futur, au profit d’une autre plus opératoire: l’intellectuel de gauche est celui qui pense verticalement les antagonismes de la société, quand l’intellectuel de droite les pense horizontalement. Pour les Zemmour, Finkielkraut, Onfray, le problème n’est pas le rapport d’inégalité et d’exploitation entre le dominant et le dominé. Le problème, c’est l’Autre: le Noir (en équipe de France), la femme (féministe), l’homosexuel (qui veut se marier), le salarié (qui déchire des chemises), etc. Et, bien sûr, le musulman.

C’est parce qu’ils oublient de penser verticalement que certains à gauche sont si mal à l’aise sur la question de l’islam: tant qu’ils se placeront sur le terrain de l’adversaire, tant qu’ils auront une approche horizontale des religions et non verticale de LA religion, quelle qu’elle soit, envisagée partout comme instrument historique d’aliénation et de coercition dont il faut desserrer l’emprise (en rappelant des choses simples, par exemple, que Dieu n’existe pas, position qui était justement celle de «Charlie Hebdo»), la gauche perdra aussi ce débat-là.
Le point Charlie est d’ailleurs intéressant: les penseurs réactionnaires ont aussi remporté la bataille grâce à ce concept génial de «politiquement correct», arme fatale de la promotion des idées lepénistes. Mais rien n’interdit un politiquement incorrect de gauche, qui était la vocation de «Charlie Hebdo».

Quand on a fait remarquer à Xavier Mathieu [ex-délégué CGT de Continental, NDLR] que, à la suite des violences à Air France, un vigile était toujours dans le coma (ce qui était faux, au passage), le syndicaliste a répondu gravement: «Et alors ?» Face à des journalistes incapables de comprendre la notion même de luttes sociales, il y avait de la verticalité dans ce politiquement incorrect-là.

Laurent Binet (*)

(*) Ecrivain né en 1972, Laurent Binet est notamment l'auteur de "HHhH" (prix Goncourt du Premier roman en 2010) et de "la Septième fonction du langage" (Grasset).

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